Le stress et ses conséquences sont toujours la résultante de l’interaction entre un individu avec ses ressources propres et les exigences d’une situation.
Avant de ressentir du stress, nous évaluons la situation mentalement par nos représentations et nos pensées, même si elles sont très rapides et non conscientes. Cette évaluation de la situation dépend de nos buts, de nos stratégies mentales, de nos comportements et de nos ressources extérieures (réseaux sociaux, revenus, etc.) pour atteindre ces buts. C’est pourquoi la même situation n’engendrera pas systématiquement du stress chez deux personnes différentes. Prenons l’exemple d’un salarié dans une entreprise au management impitoyable, comme c’est malheureusement de plus en plus souvent le cas. Pour des raisons financières, la direction a décidé de se débarrasser de lui. Sans scrupule, elle lui retire tous ses moyens d’action pour réaliser le travail qu’il est censé honorer (rétention d’information, isolement des communications formelles et informelles) tout en augmentant sa charge de travail. Ce double processus d’augmentation des « coûts » et de diminution des moyens est une bonne façon d’engendrer du stress pathologique.
Néanmoins, malgré tous les désagréments et le stress potentiel d’une telle situation, nous pouvons, répétons-le, réagir différemment selon nos représentations mentales et nos ressources, psychologiques et matérielles. Le salarié de notre exemple subira ce harcèlement s’il désire garder son poste, en pensant à sa femme et à ses enfants. Il résistera. Il travaillera plus. Les symptômes vont bientôt apparaître : anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, de la libido, de la concentration et de la mémoire… Pour aboutir au désespoir, à la résignation, à la dépression, et dans les cas extrêmes au suicide.
Tout cet enchaînement est déterminé par les motivations, les émotions, les schémas de pensée de l’individu et par la situation stressante. Cette situation est stressante et agressive en soi, mais un autre salarié aurait pu raisonner différemment, s’évaluer autrement : estimer qu’il ne pourrait pas faire face à ce harcèlement institutionnel, anticiper la possibilité d’un autre emploi même inférieur, partir en réussissant à se préserver… Et même en retirer une réparation psychologique et financière, car ce type de harcèlement est punissable par la loi.
Cet exemple illustre la combinaison nécessaire des causes pour engendrer une psychopathologie. Ici, le facteur cognitif (les pensées du salarié) et le facteur social (les exigences professionnelles et ses exigences familiales) en interaction ont été à l’origine du stress et de ses conséquences.
Le stress est un facteur important dans la survenue de la dépression. Une personne soumise à un stress a six fois plus de risques de faire une dépression qu’une personne en situation normale. Mais il est bien souvent difficile de se soustraire à tous les événements courants de la vie, forcément générateurs de stress. En revanche, la persistance de stress après une dépression n’augure rien de bon. La rechute est assurée dans trois cas sur quatre. Vous devez donc vous en préoccuper. Les conséquences du burn out sont claires : votre employeur doit vous dégager de l’agent stressant, mais vous avez en revanche l’obligation, vis-à-vis de vous-même, de gérer votre état de stress par une psychothérapie adaptée, un déconditionnement dans le cadre d’une thérapie cognitive.
Les Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) du stress
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) assurent des prises en charges psychologiques très rigoureuses, dont certaines spécialement conçues pour soigner le stress et le burn out, selon les principes que nous allons vous décrire ici. Elles sont pratiquées par des psychothérapeutes comportementalistes.
Les TCC du stress :
Le traitement centré sur le stress s’effectue en six axes, élaborés en 2001 par le psychiatre comportementaliste Jean Cottraux. 1 : stress et relaxation. 2 : stratégies cognitives (les schémas de pensée et le raisonnement). 3 : techniques de communication (avec les autres) et stress. 4 : techniques de résolution de problème et stress. 5 : ajustement au stress. 6 : généralisation de la gestion du stress aux situations quotidiennes. Il n’y a pas de chronologie préétablie pour ce programme, le thérapeute l’organise selon les besoins particuliers de son patient.
1 – Stress et relaxation
Le traitement du stress chronique consiste à expliquer le stress et ses mécanismes au stressé, et à lui apprendre à se relaxer. Il existe deux grandes catégories de méthodes de relaxation : les méthodes « centrales », qui sollicitent directement le cerveau comme la méthode de Schultz, et les méthodes « périphériques », qui mobilisent d’abord le système musculaire squelettique comme la méthode de Jacobson.
Les premières méthodes se basent sur la suggestion, en respectant six phases qui consistent à engendrer chez le patient des sensations de pesanteur, de chaleur musculaire, de conscience de ses battements cardiaques, de sa respiration, de chaleur au niveau de l’abdomen et de fraîcheur au niveau du front. Les secondes méthodes sont fondées sur le principe de contraction-décontraction musculaire successive de l’ensemble des groupes musculaires.
Le choix d’une méthode de relaxation ou d’une autre dépend de votre personnalité : si vous êtes plutôt cérébral ou intello, la deuxième catégorie vous ramènera à votre corps. Si vous êtes plutôt dans l’impulsivité, la première catégorie vous réorientera vers le mental. Le processus retenu pour vous vous est directement enseigné, puis on vous demande de le pratiquer chez vous tous les jours pendant vingt minutes au moins, pendant deux semaines.
2 – Stratégies cognitives
La phase d’adaptation au stress passe par l’identification des « stresseurs », autrement dit par la prise de conscience de tous les stimuli externes ou internes qui provoquent du stress. Cette phase ressemble à une analyse fonctionnelle (présentée dans la troisième partie du livre). Elle consiste à relier les événements extérieurs avec les cognitions (vos pensées) et les émotions. Par exemple, vous êtes encore au bureau, il est tard. Normalement, vous devriez rentrer chez vous rejoindre votre famille. Mais vous recevez un mail de votre supérieur hiérarchique vous demandant de vous occuper de tel ou tel dossier dans les plus brefs délais. Immédiatement après la lecture de ce mail, vous vous dites très rapidement, à la frontière de votre conscience : « Si je ne fais pas tout de suite ce que mon boss me demande, je n’aurai plus aucun mérite. » Vous êtes maintenant stressé. Le stresseur, c’est le mail, et le stress, c’est votre réponse à ce stresseur : travailler plus. La méthode consiste à identifier et modifier ces pensées stressantes. Une fois listés et analysés vos stresseurs quotidiens, le psychothérapeute vous propose d’aborder votre problème par de nouvelles méthodes de résolution, et de communication.
3 – Techniques de communication
La communication avec autrui permet de gérer une grande quantité de stresseurs sociaux lorsqu’elle est bien menée, et cela s’apprend aussi dans le cadre de cette thérapie. Car lorsque vous exprimez des émotions négatives, vous pouvez le faire à trois niveaux, dont deux mauvais pour vous et pour l’autre : vous en tenir au problème posé (1er degré, c’est le bon), réagir au niveau de la personne en face de vous (2ème degré), ou au niveau de la relation avec elle (3ème degré). Par exemple, vous rentrez chez vous assez tard comme souvent : vous remarquez une fois de plus que les enfants ne sont pas couchés, n’ont pas dîné, et que votre conjoint vous attend planté devant l’ordinateur. Vous vous sentez en colère. Vous pouvez réagir par un degré ou un autre de communication. Deuxième degré (s’adresse à la personne de votre interlocuteur) : «Tu exagères. Tu ne penses qu’à toi tout le temps ! » Troisième degré : « J’ai l’impression que tu ne veux pas qu’on passe des moments agréables juste tous les deux. Je me demande bien pourquoi nous restons ensemble ». Cette communication des deuxième et troisième degrés maintiennent et engendrent du stress. Apprendre à communiquer nos sentiments négatifs consiste à rester concentré au premier degré sur le problème, sans critiquer ni la personne ni la relation, mais en formulant notre demande précisément et explicitement en termes positifs et factuels : « Quand je rentre, j’aimerais passer un moment agréable avec toi. Alors ce serait bien que tu puisses t’occuper des enfants et qu’ils soient couchés quand j’arrive. »
4 – Techniques de résolution de problème et stress
La méthode de « résolution de problème » comprend plusieurs étapes. La première est de bien définir ce problème : par exemple, vous êtes stressé parce que votre conjoint vous critique en permanence, mais il faut aller plus loin et comprendre pourquoi il en va ainsi. Là est le fond du problème à cerner : que vous reproche-t-il vraiment, pourquoi, et comment y répondez-vous ? Cette première étape conditionne toutes les autres. Elle est donc importante et difficile car la définition du problème n’apparaît jamais spontanément. Elle se construit par l’analyse de la situation déplaisante. Nous devons inhiber notre émotion pour mieux comprendre ce qui nous perturbe : il s’agit d’apprendre à éviter d’être sous l’effet de l’émotion, qui empêche de bien réfléchir au problème posé.
5 – Ajustement au stress
Après avoir cerné ce problème, on peut élaborer des solutions, en faisant preuve de créativité. La gestion cognitive du stress consiste donc à identifier les pensées dysfonctionnelles et à les modifier par des pensées plus adaptées. Comme ici dans notre exemple du mail tardif : « OK, mon chef me demande ça. Maintenant, il est tard. Je rentre chez moi me reposer. Et je m’organiserai demain pour satisfaire sa demande au mieux. » La gestion cognitive du stress vous permet de comprendre le rôle que joue votre interprétation des événements. Nous interprétons souvent ce qui nous arrive selon des croyances et des postulats irrationnels (« Si je ne fais pas tout de suite ce que mon boss me demande, je n’aurai plus aucun mérite »), ce qui engendre des conséquences émotionnelles néfastes.
6 – Généralisation aux situations quotidiennes
Une fois les différents choix qui s’offrent à vous pour résoudre vos difficultés envisagés, ils sont évalués en soulignant leurs avantages et leurs inconvénients, à court terme et à long terme, pour vous et pour les autres. Ensuite, à vous de choisir une voie qui vous convient, et de vous y tenir. Le psychothérapeute vous guidera par une programmation précise des actions à mener. Les résultats auxquels vous parvenez seront comparés avec ceux attendus. S’ils correspondent au but, le problème est résolu. Sinon, il faut reprendre la démarche.
très enrichissant et pratique merci beaucoup