PénétrationTrouble de l’érection du cas P.

Le Trouble de l’érection est une indication pour les Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC). Cet article vous présente une analyse de cas d’un trouble de l’érection. On abordera son diagnostic, son analyse fonctionnelle, sa TCC et ses résultats.

1° Contexte et demande d’une TCC au Trouble de l’érection

Je reçois initialement le cas P. dans le cadre d’une thérapie de couple. Lui et sa compagne N. ont des problèmes d’insatisfaction conjugale. Ils sont ensemble depuis 5 ans. Il a 35 ans et elle 30 ans. Il est avocat-associé. Depuis le début de la relation, il a été clair sur son projet de construire une famille et avoir des enfants. Elle s’est toujours vue sans enfant mais a accepté de rester ouverte à cette possibilité. Aujourd’hui, P ne croit plus en N. et est incertain sur son avenir ce qu’il tente d’oublier par des sorties fréquentes deux à trois fois par semaine prenant de l’alcool et de la cocaïne plus que d’ordinaire. Mlle N. ne croit plus en M. P. et ne voit pas comment elle pourrait envisager d’avoir un enfant avec un homme qui est dans l’excès, ne prends pas en compte les contraintes du quotidien et surtout qui ne la désire pas. Voilà pour les « plaintes ». Sinon, nous pouvons percevoir une attention réciproque et un désir commun de trouver une solution. L’un des éléments de la thérapie de couple est qu’il « traite » son problème sexuel perçu comme tel par N.

2° Diagnostic différentiel d’un Trouble de l’érection

M.P. contredit sa compagne au sujet de l’absence de désir sexuel pour elle. Il rappelle qu’il font l’amour une fois par semaine, qu’il la désire et qu’elle lui plait beaucoup. Il avoue ne pas avoir beaucoup de goût pour le sexe depuis toujours. Mlle N. confirme mais pense surtout que c’est à cause de ses problèmes d’érection. D’après elle, en présence de P. sans qu’il contredise « il a des pensées magiques avec la conviction que c’est lui qui décide de son érection à la force de son mental ». Il a du mal à maintenir son érection pendant la pénétration jusqu’à l’achèvement dans les 3/4 des rapports sexuels. M. P a fait des examens médicaux qui ont donné des résultats sains ce qui exclue a priori une étiologie « organique ». Il ne prend pas d’antidépresseurs. Il fume 1/2 paquet de cigarettes par jour en moyenne. Il perçoit la perte de l’érection comme un échec et est anxieux à l’idée de ne pas être certain de pouvoir la contrôler. De plus, il admet de ne pas avoir de pensées ou d’imagerie érotiques pour elle ou pour une autre femme. Il pratique la masturbation et regarde un peu de porno d’après ses dires.

A l’aide du DSM-5, nous pouvons évaluer deux dysfonctions sexuelles :

• Trouble de l’érection :

  1. Au moins un des trois symptômes suivants doit être éprouvés dans presque toutes ou toutes les occasions (approximativement 75-100%) d’activité sexuelle avec un partenaire :
    1. Difficulté marqué à parvenir à une érection au cours de l’activité sexuelle.
    2. Difficulté marquée à parvenir à maintenir l’érection jusqu’à l’achèvement de l’acte sexuel.
    3. Diminution marquée de la rigidité érectile.
  2. Les symptômes du critères A persistent depuis une durée minimum d’approximativement 6mois.
  3. Les symptômes du critère A provoquent une détresse cliniquement significative chez la per-sonne.
  4. La dysfonction sexuelle n’est pas mieux expliquée par un trouble mental non sexuel, comme étant la conséquence d’une souffrance sévère liée à une relation ou par d’autres facteurs de stress significatifs et n’est pas due aux effets d’une substance, d’un médicament ou d’une autre affection médicale.

• Diminution du désir sexuel chez l’homme

  1. Déficience ou absence persistance ou répétée de pensées sexuelles/érotiques ou de fantaisies imaginatives et du désir d’activité sexuelle.
  2. Les symptômes du critère A persistent depuis une durée minimum d’approximativement 6 mois.
  3. Les symptômes du critères A provoquent une souffrance cliniquement significative chez la per- sonne.
  4. La dysfonction sexuelle n’est pas mieux expliquée par un trouble mental non sexuel, comme étant la conséquence d’une souffrance sévère liée à une relation ou par d’autres facteurs de stress significatifs et n’est pas due aux effets d’une substance, d’un médicament ou d’une autre affection médicale.

Nous faisons l’hypothèse que le trouble du désir sexuel serait secondaire au trouble de l’érection.

3° L’analyse fonctionnelle d’un Trouble de l’érection. Cas de M. P.

Les facteurs antécédents immédiats du comportement sexuel :

Avant

L’analyse fonctionnelle montre que M. P. est en mode réactif et évitant. Sa partenaire se montre entreprenante sexuellement essayant de le stimuler par des rapprochements physiques ou par le partage de ses pensées érotiques. La perception de ces stimuli sexuels de la part de sa partenaire active tout un schéma affectivo-cogntif où M.P subit une augmentation de son niveau d’éveil, un ressenti anxieux intense avec un état corporel interne douloureux de contractions musculaires au niveau respiratoire, viscéral et accompagnée d’une hyperactivation cardiaque et vasculaire, des pensées verbales et des images d’échec spontanées et intrusives. L’ensemble de ces facteurs stimulent la conscience de M.P qui ne cherche pas à prêter attention à ces différents stimuli et entretien l’intention de ne pas avoir de rapport sexuel en évitant les situations d’intimité sexuelle et interdisant à sa compagne d’exprimer son désir de faire l’amour en dehors du lit du couple.

Trouble de l'érection

Les facteurs qui maintiennent les dysfonctionnements sexologiques :

Pendant

Comme nous pouvons le voir sur son analyse fonctionnelle, M.P. est très orienté « action » sur la performance de faire jouir sa partenaire (Solano et De Sutter, 2012). Son attention représentée par les flèches rouges est surtout orientée vers ses sensations tactiles de son sexe afin de vérifier et de percevoir l’état de son érection et aussi vers des pensées « positives » qu’il entretien en boucle dans le double but d’échapper à des pensées « négatives » et de stimuler son érection.

De plus nous pouvons observer qu’il ne fait pas attention à son ressenti viscéral ni à son niveau d’éveil ce qui lui permet de ne pas souffrir de ces éléments désagréables à court terme mais aussi de ne pas se désensibiliser de son anxiété à long terme.
Son comportement sexuel dominant est renforcé par l’augmentation de la tension sexuelle et de son érection et par l’évitement du lâchez prise perçu comme une menace sur son érection et son contrôle.

Pendant

4° Evaluation quantitative du Trouble de l’érection et du fonctionnement de M. P.

Nous avons décidé d’évaluer quantitativement le trouble de l’érection et le fonctionnement de M.P. avec l’Inventaire Multidimensionnel de la sexualité (Trudel, 2010). Il offre l’avantage d’être large sur les facteurs évalués et de mettre l’accent sur des processus psycho-sexuels sans catégorisation diagnostic.
Les résultats de M.P. à l’Inventaire indiquent très clairement des scores problématiques au-dessus de la norme pour l’anxiété sexuelle, la dépression sexuelle, le contrôle sexuel externe, l’inquiétude de l’image sexuelle et la peur de la sexualité et en dessous de la norme pour l’estime sexuelle, le contrôle sexuel interne, la « conscientisation sexuelle », la motivation sexuelle et la satisfaction sexuelle. Le seul score « sain » est celui de l’affirmation sexuelle qui est même au-dessus de la moyenne.

Ces résultats semblent correspondent au jugement que M.P se fait de son propre fonctionnement sexuel.

évaluation quantitative

5° Déroulement de la TCC d’un Trouble de l’érection

Après l’analyse fonctionnelle réalisée avec M.P. nous nous sommes mis d’accord sur nos buts thérapeutiques.

1° ) Se désensibiliser à l’absence d’érection ou à la perte de l’érection

Pour la désensibilisation à la perte de l’érection, nous lui avons proposé deux types d’exercices : le sensate focus et la « vaginette en mode cognitif et comportementale »

  • Pour le Sensate focus, nous avons respecté le programme classique de Johnson et Masters (1971) dans le but d’apprendre à M. P à se centrer sur ses sensations sans autre résultat à chercher et à se désensibiliser progressivement de la perte de l’érection avant et pendant la pénétration vaginale avec les « manoeuvres d’agacement ». Le point que nous avons rajouté avant le passage de la « cavalière » où la partenaire introduit elle-même le sexe de M.P en elle, on a demandé à l’homme de se positionner en cuillère le long de sa compagne et d’introduire son sexe dans le sien indépendamment de l’état érectile du pénis et de pouvoir prendre le temps d’être en elle, d’explorer ses sensations sans mouvement et sans rechercher à la stimuler ou à se stimuler. Une fois que cette étape a été désensibilisée autrement dit que la pénétration a été associée à un état de bien-être ou au moins de repos, nous sommes revenu au programme classique de Sensate Focus.
  • La « vaginette cognitive et comportementale » offre l’avantage au patient de pouvoir s’entrainer à développer ses compétences attentionnelles, cognitives et comportementales sans une partenaire. Une vaginette ou vagin artificiel est un jouet sexuel modelé pour simuler un rapport sexuel, en permettant à un pénis de s’y introduire. Il est moulé en latex à partir d’un véritable vagin. Un lubrifiant est conseillé. La consigne est précise en fonction du trouble. Concernant le trouble érectile, le but est que le patient apprenne à accepter l’état de son sexe, d’expérimenter le lien entre ses pensées et son érection et de développer sa flexibilité attentionnelle. Il lui est demandé d’utiliser la vaginette comme dans le traitement de l’éjaculation précoce concernant la masturbation en mode « poignets fixes – corps mobile » (De Carufel, 2008) . Ce point est essentiel. Nous déconseillons également des stimuli « artificiels » comme des vidéos pornographiques pour l’inciter à être attentif à son excitation, à ses pensées et ses sensations proprioceptives et tactiles. Une fois tout cela bien expliqué, nous pouvons passer à la deuxième phase plus cognitive. Une fois que le patient s’est familiarisé avec la vaginette lubrifiée, on lui demande pendant une excitation moyenne (5/10) de faire attention volontairement et de manière soutenue à une image neutre décidée au préalable avec le sexologue comme une chaise banale ou un dossier. Cette attention orientée vers une pensée neutre favorise une perte d’érection ce qui est recherché. Cette opération est inspirée par les « manoeuvres d’agacements » de Master et Johnson (1970). Une fois que la perte de l’érection est produite, on demande au patient d’explorer les sensations de son sexe dans la vaginette ne pas essayer de lutter contre son état de repos et ne pas éviter d’y faire attention. Ici, la vaginette est en « mode mindful ». Le but est qu’il accepte ses sensations en y faisant attention sans jugement. Si un ressenti anxieux et un état d’hypervigilance apparaissent à ce moment là, il lui est demandé de surtout maintenir son sexe dans la vaginette et d’explorer et de s’exposer à l’ensemble de son expérience immédiate. Une fois que l’anxiété a diminué au moins de 50% voir totalement, nous lui conseillons de repartir sur une image mentale érotique et de continuer la recherche de sensations tactiles excitantes par ses mouvements du bassin avec son sexe dans la vaginette.

2°) Lachez prise sur le but, les pensées et l’érection et développer les processus de la pleine conscience appliquée en sexologie à savoir : la conscience intéroceptive, la flexibilité attentionnelle et l’acceptation/le non-jugement (Adam et Geonet, 2016).

M.P. est ouvert à la pratique de la méditation. Nous lui avons proposé les exercices formels de méditation de pleine conscience des plus généraux aux plus sexuels.

  • Balayage corporel en cabinet et à domicile avec l’enregistrement audio de l’exercice pendant une semaine
  • Méditation assise centrée sur la respiration en cabinet et à domicile avec l’enregistrement audio pendant une semaine
  • Méditation assise centrée sur les sons et les pensées en cabinet et à domicile avec l’enregistre- ment audio pendant une semaine
  • Balayage corporel des sensations sexuelles en cabinet et à domicile avec l’enregistrement audio pendant une semaine
  • Méditation assise centrée sur un fantasme sexuel en cabinet et à domicile avec l’enregistrement audio pendant une semaine. Les exercices réalisés en cabinet sont toujours précédés par de la psycho-éducation afin que la patient perçoive l’utilité et soit incité à pratiquer et toujours suivis par un dialogue exploratoire pour continuer la pratique de la pleine conscience mais aussi pour qu’il puisse comprendre en quoi cet exercice peut lui être utile.Les exercices de pleine conscience sexo. ont été très profitables car il a observé par lui-même le caractère spontané de l’excitation génitale et psychologique sans qu’il ait eu besoin de contrôler bien au contraire.

6° Résultats qualitatifs d’un Trouble de l’érection

M.P a suivi notre consultation individuellement pendant trois mois à une fréquence d’une séance hebdomadaire.
Au cours de cette période, il a essayé continuellement à développer sa curiosité sexuelle comportementale et attentionnelle par les différents exercices que nous lui proposions.

Voici la représentation de ses résultats :
Les flèches rouges orientées et ouvertes vers tous les réseaux spécialisés – sensations extéroceptives, proprioceptives, intéroceptives (émotionnelles), les cognitions et les intentions (plans d’action) – représente l’état de pleine conscience où l’espace de travail global de M.P est flexible et ouvert aux signaux ascendants de son esprit, de son corps et de son environnement. La pleine conscience peut être perçu comme un balayage attentionnel des différents stimuli de la conscience.
L’intention cultivée par M.P est la recherche de sensations sexuelles plaisantes mentalement et comportementalement.

TCC érection

Concernant les troubles sexuels diagnostiqués, surtout au sujet du trouble de l’érection, M.P n’accorde plus d’importance sur l’érection ou non de son sexe. Même si nous pouvons quand même dire que les critères de diagnostique ne sont plus présents chez M.P et que les troubles sexuels ont été traités.

7° Résultats comparatifs d’un Trouble de l’érection

Le graphique ci-dessous présentent les résultats à l’Inventaire après traitement comparés avec ceux d’avant. Ils confirment le témoignage de satisfaction de M.P de son travail sur son comportement sexuel. Nous observons que son estime sexuelle est passé à un score de 2 à 8, son contrôle sexuel interne de 5 à 10, sa « concientisation sexuelle » de 6 à 12, sa motivation sexuelle de 4 à 9 et sa satisfaction sexuelle de 2 à 12. De plus, nous constatons une diminution des scores de la préoccupation sexuelle de 9 à 2, de l’anxiété sexuelle de 13 à 2, de la dépression sexuelle de 14 à 4, le contrôle sexuel externe de 13 à 4, l’inquiétude de l’image sexuelle de 15 à 5 et la peur de la sexualité de 13 à 4.

Comparaison

Après 3 mois d’apprentissage, nous pouvons dire objectivement que M.P. a progressé par rapport à sa ligne de base avant traitement du trouble de l’érection et que sa TECC a bien fonctionné. Il est actuellement dans une dynamique positive et épanouissante concernant sa sexualité et son couple.

Bibliographie

Adam, F. & Géonet, M. (2016, octobre). La pleine conscience en sexologie. Communication présentée à un atelier clinique. Belgique.

Cottraux, J. (2011). Les psychothérapies comportementales et cognitives (5è éd.). Paris, Elsevier Masson.

Dehaene, S. (2014). Le code de la conscience. Paris, Ed. O. Jacob.

De Carufel, F. (2008). L’éjaculation prématurée. Compréhension et traitement par la thérapie sexofonctionnelle. Louvain, UCL Press Universitaires de Louvain.

Trudel, G. (2010). Les dysfonctions sexuelles. Evaluation et traitement par des méthodes psychologique, interpersonnelle et biologique (2è éd.). Québec, Press de l’Université du Québec.

Johnson, V. & Master, W. (1971). Les mésententes sexuelles et leur traitement. Paris, Robert Laffont.

Heeren, A. (2016). Biais attentionnés et psychopathologie : de la recherche fondamentale à la recherche-développement en technologie thérapeutique. In J-l. Monestès & C. Baeyens (Eds.), L’approche transdiagnostique en psychopathologie (pp. 147-165). Paris, Dunod.

Solano, C. & De Sutter, P. (2012). La mécanique sexuelle des hommes. 2. L’érection. Pa- ris, Editions Robert Laffont.

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