Méditation MBRPMBRP (Mindfulness-Based Relapse Prevention) est un programme de prévention de la rechute des addictions basé sur la méditation de pleine conscience et les TCC classiques. Le MBRP associé aux TCC est un apprentissage au plaisir conscient et contrôlé.

Les Neurosciences des plaisirs impulsif et contrôlé.

Le plaisir est le fondement et le but de la « vie psychique ». Il est un état actif, pulsion et émotion à la fois, force endogène et réaction affective. Le plaisir pulsionnel augmente notre niveau d’éveil et le dirige vers des sensations spécifiques. Très souvent en contradiction avec l’opinion des autorités morales, religieuses ou politiques, le plaisir nous détermine à penser et à agir. Le plaisir est primum movens de la vie intelligente et sociale.

Le plaisir pulsionnel est donc un état d’excitation orienté et stimulé par des sensations anticipées ou perçues. Le plaisir de satisfaction est par contre un état d’inhibition qui calme, tranquillise, réduit la pulsion. Ici, le plaisir est ce qui détend, repose, satisfait.

Il est important de prendre conscience que le plaisir normal est cette pulsion comportementale de bas niveau, inconsciente et automatique. On peut l’appeler le système de récompense réactif (Stephen M. Stahl, 2010). Ne vous êtes vous jamais surpris à réaliser un comportement agréable (fumer une clope, se verser un verre de vin, se lever pour se faire un café, aller au toilette, consulter votre Facebook, vérifier votre smartphone, se laisser aller à regarder une silhouette …) sans prendre conscience de son impulsion, de sa préparation et de son exécution ? Non ? Ces actions sont dirigées par le sytème de récompense réactif.

Le système de récompense réactif agit « d’en bas » pour signaler les perspectives immédiates de plaisir ou de déplaisir et fournit une motivation ou des pulsions comportementales pour obtenir ce plaisir. Par exemple, des sensations internes comme une envie impérieuse (craving) et un sevrage poussent le système de récompense réactif à déclencher des conduites de recherche de sensations hédonistes (naturelles ou artificielles).

Système de récompense réactifLe système de récompense réactif est composé de l’aire tegmentale ventrale (ATV) site des corps cellulaires dopaminergiques, du nucleus accumbens vers lequel projettent les neurones de dopamine et de l’amygdale qui a des connexions à la fois avec l’ATV et le nucleus accumbens. La récompense est exprimée par des bouffées de libération de dopamine en direction du nucleus accumbens, càd des décharges dopaminergiques phasiques entraînant du « plaisir » et ayant pour conséquence une potentialisation de la récompense conditionnelle. Les connexions entre les neurones de dopamine et l’amygdale sont impliquées dans l’apprentissage de la récompense (comme le souvenir du plaisir associé à une personne ou à une drogue), tandis que les connexions en retour de l’amygdale vers l’ATV disent si quelque chose de pertinent par rapport à un plaisir déjà ressenti antérieurement a été détecté. Les connexions de l’amygdale vers le nucleus accumbens disent que des émotions ont été déclenchées par des stimuli internes ou externes et sont le signal qu’une réponse impulsive, quasi réflexe, doit-être donnée (Stephen M. Stahl, 2010).

Le plaisir pathologique, celui de l’addiction se caractérise par l’incapacité de la conscience de le réguler alors que sa régulation est désirée. Autrement dit, le plaisir devient pathologique quand la conscience désirerait le contrôler, le différer, le réprimer ou le laisser aller au profit d’un autre plaisir immédiat ou éloigné mais en est incapable. C’est l’absence de choix voulu. Le plaisir dysfonctionnel se caractérise par l’incapacité du contrôle volontaire. Ce n’est pas l’absence de contrôle qui est pathologique mais c’est l’incapacité d’être exercé.

La pulsion intégrée et contrôlée par la conscience devient volontaire. Elle se transforme en « désir conscient » ou encore en système de récompense réflexif. Ce système de récompense réflexif est la partie du cerveau allant « du haut vers le bas » dans le circuit de la récompense. Ce système comporte des connexions importantes qui descendent du cortex préfrontal vers le nucleus accumbens. Ces connexions font parties des boucles cortico-striato-thalamo-corticales (CSTC) perturbées lors des troubles psychologiques comme l’addiction.

Des projections frontales en provenance du cortex orbitofrontal (COF) sont impliquées dans la régulations des impulsions, tandis que des projections préfrontales provenant du cortex dorsolatéral (CPFDL) sous-tendent les fonctions de contrôle cognitif comme la flexibilité mentale, la mémoire de travail ou encore la résolution de problème. Enfin, le cortex préfrontal ventromédian (CPFVM) intègre le contrôle de l’impulsivité opérée par le COF, avec l’analyse et la flexibilité cognitive dépendant du CPFDL ainsi qu’avec sa propre régulation des émotions pour parvenir à une décision finale sur la conduite à tenir. Des afférences supplémentaires contribuant à cette décision finale proviennent aussi de deux régions : l’insula et les cortex sensoriels, qui fournissent des sentiments concernant les expériences antérieures de récompense et de punition et de l’hippocampe qui livre des informations contextuelles pertinentes pour la décision à prendre. Quand toutes les afférences sont intégrées, la décision finale est soit de stopper l’action déclenchée par le système de récompense réactif soit de la laisser survenir (Stephen M. Stahl, 2010).

Le système de récompense réflexif a le pouvoir de donner forme à la réponse finale du système de récompense, et d’orienter cette réponse vers des comportements dirigés vers un but et bénéfiques à long terme, avec le contrôle de résister au plaisir immédiat.

Système de récompense réflexif
Système de récompense réflexif. Les afférences stimulantes envoyées « d’en bas » par le système de récompense réactif sont régulées « d’en haut » par le système de récompense réflexif qui consiste en des projections envoyées par le cortex préfrontal vers le nucleus accumbens. Des projections en provenance du cortex orbitofrontal (COF) sont impliquées dans la régulation des impulsions, des projections provenant du cortex préfrontal ventromédian (CPFVM) interviennent dans la régulation des émotions et des projections du cortex préfronal dorsolatéral (CPFDL) jouent un rôle dans l’analyse des situations et dans la décision d’accomplir ou non une action.

Les différences entre pulsion inconsciente et désir conscient

Comme le représente le schéma ci-dessous, la tentation peut être envisagée comme une exigence venant du système de récompense réactif « en bas », tandis que « la volonté » ou le contrôle résulte d’une décision prise « en haut » par le système de récompense réflexif (A). L’anticipation du plaisir immédiat (1) provoque un signal de choix impulsif (2) envoyé à l’aire tegmental ventrale (ATV) afin que cette dernière libère de la dopamine dans le nucleus accumbens (3), qui donne à son ordre d’initier des conduites aboutissant à une nouvelle prise de drogues. Dans le cortex préfrontal, le cortex orbitopréfrontal (COF) signal la présence d’un craving (besoin impérieux) induit par l’addiction et « vote » donc en faveur du comportement addictif (4). Le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) interprète les divers signaux et, faisant preuve de flexibilité cognitive, décide s’il faut passer à l’action (5). (B) Si le système de récompense réflexif (circuits préfrontaux) est activé (représenté ici par la couleur rouge des neurones préfrontaux), il peut empêcher que les pulsions (tentations) soient exprimées en comportements (Stephen M. Stahl, 2010).

tentation/contrôlôe

Ces connaissances neuro-psychologiques permettent de comprendre mais surtout de concevoir des tâches psychothérapeutiques visant les dysfonctionnements entre les différents « systèmes neuro-mentaux ». Les psychothérapeutes doivent imaginer des exercices qui favorisent la conscience et l’intégration de la pulsion de bas niveau aux systèmes de contrôle de haut niveau. C’est ce sur quoi se base les TCC de l’addiction en répondant à la question suivante. Comment apprendre à gérer consciemment ses pulsions hédonistes ?

Les TCC de l’addiction en pleine conscience

A-Fondements

Elles consistent à apprendre à :

1° Accepter les frustrations et les émotions déplaisantes

2° Changer son rapport au plaisir immédiat à son anticipation et à sa perception

3° Choisir, en explorant mentalement des scénari, à déplacer notre attention vers d’autres anticipations plaisantes et déplaisantes, de les comparer puis de choisir et de s’engager vers la plus satisfaisante.

Dans ce contexte sémiologique et psychothérapeutique, les TCC utilisent différentes stratégies d’apprentissages dans le but d’améliorer le contrôle de l’individu sur lui-même. Celles-ci sont les stratégies comportementales, cognitives, attentionnelles et émotionnelles. Elles se basent toutes sur la pratique de l’analyse fonctionnelle des comportements addictifs de l’individu.

B-L’analyse fonctionnelle du cas de Mlle D.

La psychothérapie personnelle commence par l’observation de soi et en particulier de ses comportements problématiques. Prenons l’exemple de cette jeune femme, Mlle D. qui n’arrive pas à s’empêcher de manger des bonbons toute la journée. Dis comme ça on pourrait penser que c’est exagéré et qu’elle se moque de nous. Mais si vous faîtes preuve de curiosité et si vous osez écouter son récit vous ressentirez immédiatement sa souffrance. Surtout celle de perdre le contrôle, de ne pas avoir le choix et d’être le jouer de sa pulsion hédoniste. Le matin ça peut aller. Ça commence quand elle rentre dans son bureau. Le rythme est speed. Les interruptions sont innombrables. Les appels téléphoniques, les mails, les textos n’arrêtent pas. Elle adore son travail. Pour supporter le stress et « avoir un peu de plaisir dans ce monde de brutes » elle pense immédiatement au sachet de bonbons habituels vendu au distributeur de l’entreprise. Elle a beau se dire de ne pas en acheter, de s’insulter, de s’interdire mais rien l’empêche de se tromper elle-même pour aller s’en procurer un. Pour compenser les calories ingurgitées, elle pratique trois fois par semaine des séances de fitness intenses. Elle garde ça pour elle. C’est son secret, son obsession. Le week end ça va un peu mieux. Elle continue d’en manger mais dit-elle librement pour profiter.

Matrice de Kevin POLK
Matrice de Kevin POLK

Le travail sur soi commence par l’observation de son comportement à modifier, de ses antécédents et de ses conséquences ce que les TCCistes appellent l’analyse fonctionnelle. C’est de cette analyse individuelle que nous pourrons mettre en place la stratégie d’apprentissage la plus adaptée au cas par cas (contrairement aux préjugés de ceux qui critiquent les TCC sans les connaître… 🙂 ). Il existe plusieurs méthodes d’observation de son comportement en TCC, la SORC (Stimulus-Organisme-Réponse-Conséquences) de Kanfer et Saslow, la SECCA (Situation-Emotion-Cognition-Comportement-Anticcipation) de Cottraux, le cercle de Cungi et la matrice de Kevin Polk.

Pour bien comprendre les TCC, il faut faire des TCC et ça commence par la pratique de l’analyse fonctionnelle de son comportement.

Prêtez vous au jeu de la matrice !

La matrice est une représentation simplifiée de notre comportement.

L’axe horizontal symbolise les deux fonctions opposées de nos comportements, à droite, ceux qui nous rapprochent de nos valeurs et de nos buts positifs et à gauche, ceux qui nous éloignent de nos souffrances et de nos buts négatifs.

L’axe vertical représente notre vécu orienté vers l’extérieur appréhendé par les sens extra-corporels en haut de la matrice et orienté vers l’expérience intérieure constituée par les pensées, les émotions et les sensations corporelles.

Analysons le comportement-problème de Mlle D. avec la matrice de Kevin Polk.

On commence par la partie droite en bas du côté des valeurs en répondant à cette question « Qui est important pour moi ? Et qu’est ce qui est important pour moi ? » Pour ma patiente, c’est « Mon travail, mes amis, mon indépendance ».

Une fois que nous nous sommes interrogés sur nos valeurs, sur ce qui est important pour nous de vivre, nous restons en bas de la matrice mais du côté gauche, celui de la souffrance. Et nous nous demandons quels sont les obstacles internes (pensées, émotions et sensations) qui m’éloignent de mes valeurs et de mes buts ? Pour Mlle D. ses réponses étaient les suivantes : le stress, la tension corporelle, les problèmes attentionels, la pulsion de sucre, la peur de grossir, des pensées négatives comme « j’ai ce que je mérite ! », « Tu n’as pas à te plaindre ! », « Quand on veux, on peux ! ». Tous ces éléments sont vécus intérieurement chez Mlle D. et l’éloignent de ses valeurs.

Matrice de Mlle D.

Cette partie remplie, on reste du côté gauche mais on passe au-dessus dans celle des actions de lutte.  Ici la question est « quelles sont les actions ou les activités mentales que vous mettez en place pour vous éloigner, pour combattre ou pour éviter de ressentir vos souffrances, les pensées douloureuses, les émotions déplaisantes ou les sensations aversives ? Pour notre chère Mlle D. les actions qui lui permettent de ne plus ressentir ce qui la dérange est la mastication de bonbons, le fitness, les soirées alcoolisées, les écrans (TV, ordinateur, tablette et smartphone) et la musique. Toutes ses actions ne sont pas mauvaises en soi. Il s’agit de prendre conscience qu’on les réalise dans le but de ne plus ressentir notre souffrance et d’observer leurs conséquences sur du court terme et du long terme et savoir si elles nous rapprochent de nos valeurs.

Puis, pour finir l’analyse fonctionnelle macroscopique, nous passons du côté droit en restant en haut pour nous interroger sur les actions engagées que nous pourrions mettre en place dans le sens de nos valeurs sans qu’elles aient trop la fonction de lutter contre nos souffrances. Pour Mlle D. elle projète de pratiquer la méditation chaque jour, de faire du yoga, de déléguer à son assistante et de s’accorder une pause déjeuner. Pas mal ! 🙂 BRAVO !

Que peut-on dire de l’analyse fonctionnelle de Mlle D. ? Que son comportement d’ingestion de bonbons qui lui pose problème en opposition avec sa valeur d’indépendance est surtout « conditionné » par le stress avec la fonction de le réduire voir de le supprimer. Par ses actions de lutte, elle maintient sur du long terme ses souffrances. Le premier but thérapeutique est de l’aider à apprendre à accepter ses pensées, ses émotions et ses sensations qui l’éloignent de ses valeurs d’une part en essayant de ne pas les alimenter par ses actions de lutte et ses évitements de son expérience intérieure et d’autre part en osant faire face à ses obstacles internes par des exercices d’exposition et de méditation de pleine conscience.

C-L’exposition aux envies, aux plaisirs immédiats et aux frustrations.

Le but de ces expositions est de changer son rapport à l’envie, au plaisir d’agir. Au lieu de réagir impulsivement à notre plaisir en réalisant l’action sensorielle, au lieu de combattre ou de fuir ces anticipations plaisantes et ces comportements hédonistes, le but est de les explorer, d’y faire attention, de les prendre comme des objets de connaissance immédiate. En d’autres termes, le but est la pleine conscience de ses plaisirs pulsionnels.

Conseils pratiques pour l’exposition aux pulsions : Identifier les stimuli habituels qui nous font ressentir du plaisir et nous font activer des programmes moteurs automatiques dans leur direction. Une fois que la liste des activités plaisantes quotidiennes (par exemple, manger devant la TV, s’habiller, se laver etc.) est établie, nous pouvons commencer par interrompre le premier comportement hédoniste de cette liste et dans ce contexte, observons nos sensations corporelles incarnant le plaisir, observons l’intention de l’action càd l’anticipation sensorielle du résultat du comportement (l’image de but), observons les pensées émergentes inhibitrices ou facilitatrices et pour finir l’exercice laissons passer l’envie de l’acte. Ces expositions aux pulsions comportementales non satisfaites par l’action ont la fonction de nous entraîner à accepter de ressentir l’envie sans y réagir spontanément. Le but est de renforcer le lien entre système de contrôle et pulsion.

Par exemple, dans un état de faim, je pense à ce qui pourrait me satisfaire maintenant. Je vois par anticipation le plat, la boisson, la ou le convive avec qui j’aimerais partager ce moment. Je me fais mon film pulsionnel. Je ressens une tension mentale et corporelle agréable. Je profite de cet instant de désir. J’y fais attention pleinement. Et maintenant, je lâche prise sur mon film ! Je reviens à mes sensations corporelles et extracorporelles. Je sens mon corps, pose mon attention sur ma respiration quelques secondes, je prends conscience de mes points de contacts avec le sol, avec l’espace que j’occupe. Une fois que je suis bien ancré sur moi-même je m’ouvre à mon environnement sonore, visuel, olfactif et tactile. Mon film réapparaît et  capture violemment mon attention, me tire vers lui. Tout aussi rapidement je me parle en réaction « j’ai quand même le droit de me faire plaisir … » Je me réveille à moi-même. Je prends conscience que j’étais accaparé par mon  plaisir anticipé. Tout en l’acceptant sans me juger, je reviens sur mes sensations présentes. Je ressens à nouveau ma faim. Mon ventre se crispe. Je me sens légèrement faible. Je me demande ce que je  veux faire. « Je veux m’entraîner à sentir mon désir, ma pulsion sans la satisfaire. » Ok je décide donc pour vivre cet état de tension et de frustration, de prendre juste un verre d’eau et de m’installer dans mon fauteuil avec mon livre du moment. Je prends tout le temps d’observer ce que je vis, ce que je sens et ce que je lis alternativement. Ah ? C’est comme dans les livres de psy. Effectivement ma pulsion s’est apaisée. Je la ressens encore très légèrement en arrière plan mais le scénario ne m’obsède plus. Lui a disparu. Je retrouve mon calme. Je profite de ma lecture et du silence extérieur. Je suis bien… (Un cas de SOBER du MBRP)

D-La prévention de la rechute (TR) et MBRP

Les TCC classiques des addictions se basent sur le modèle des stades de changement de Prochaska et DiClemente. Ce modèle transthéorique construit le changement comme un processus progressif comportant cinq stades : la précontemprlation dans lequel vous pensez que votre addiction est sincèrement bonne ou par protection vous niez ses conséquences négatives, la contemplation est le stade où vous avez conscience des avantages et des inconvénients liés au changement provoquant chez vous une ambivalence, la préparation est le moment où vous êtes prêt à agir et à mettre en place le plan, l’action est un stade où le changement du comportement apparait et la maintenance est la dernière étape de la prévention de la rechute où vous inscrivez vos nouveaux comportements dans vos habitudes et style de vie.

Au cours du « cycle des addictions », la prévention de la rechute  (PR) doit être proposé au stade de la maintenance. En pratique, cette intervention associe un programme spécifique de maintien de l’abstinence et un changement de style de vie plus global, et à recours à l’auto-observation afin d’apprendre à la personne à être plus attentif aux signaux précurseurs de rechute et aux situations à risque. (Lukasiewicz et Frénoy-Peres, 2008). Ce programme a été proposé par les psychologues Marlatt et Gordon de l’Université de Washington (1985).

La PR distingue classiquement :

  • Les interventions spécifiques centrées sur les déterminants immédiats de l’addiction
    • faire acquérir au patient des aptitudes nouvelles pour identifier, anticiper, éviter ou surmonter les situations à risque spécifiques, mais aussi des stresseurs généraux sensibles aux approches classiques (relaxation, affirmation de soi) ;
    • éviter la progression vers une rechute intégrale en cas de faux pas, en sensibilisant le patient aux facteurs cognitifs qui favorisent le processus ;
    • augmenter le sentiment d’efficacité personnelle du patient ;
  • Les interventions globales correspondant à un changement global de style de vie :
    • identifier les stresseurs du style de vie actuel ;
    • identifier et changer les habitudes nocives pour la santé ;
    • rechercher et pratiquer des activités plaisantes et valorisantes, adopter des comportements de santé, mieux gérer son emploi du temps pour combler le vide fréquent après l’abandon du produit.

Déjà en 1985, dans la première édition de Prévention de la rechute, le chapitre sur le « changement de style de vie » parlait de la méditation comme une stratégie cognitive pouvant aider à équilibrer les personnes qui rechutent à cause d’un style de vie stressant annonçant le programme de prévention de la rechute basé sur la pleine conscience (MBRP) :

« L’un des effets les plus significatifs de la pratique régulière de la méditation est le développement de la pleine conscience : la capacité à observer ce qui arrive au cours d’une expérience, sans « s’attacher » ou s’identifier avec le contenu de chaque pensée, sentiment ou image. La pleine conscience est une compétence cognitive particulièrement efficace pour la pratique de la PR. Si les patients peuvent acquérir à travers la pratique régulière de la méditation, ils pourraient être en mesure de se « détacher » de l’attrait des fortes envies et des distorsions cognitives qui pourraient les amener à rechuter. » !!! (Marlaat & Gordon, 1985, p.319).

E-Le MBRP (Mindfulness Based Relapse Prevention)

Le MBRP est un programme de 8 semaines intégrant les outils de prévention de la rechute cognitive-comportementaux et une pratique de pleine conscience destinée à des personnes souffrant de comportements d’addictions (Marlatt, 2013). Le MBRP est un programme d’apprentissage à la pleine conscience. La pleine conscience consiste à ouvrir son attention d’une manière curieuse et flexible à l’ensemble de son expérience immédiate. Le MBRP permet de pratiquer la pleine conscience dans le but d’apprendre à accepter ses pulsions et ses plaisirs impulsifs sans y réagir. Le programme MBRP en 8 séances est une succession d’exercices de pleine conscience des plus informels comme manger un grain de raisin sec, voir, entendre, marcher, au plus formels comme ceux de la méditation allongée ou l’assise en passant par des espaces de respiration dans lesquels on s’expose pleinement à son envie de consommer sans jugement. Ces exercices répétés sont associés à un travail classique de prévention de la rechute sur les pensées automatiques et les comportements.

Nous vous proposons ici de découvrir les 8 séances du MBRP.

Séance n°1 du MBRP : Pilote automatique et rechute.

Thème 1. MBRP : « Lorsque nous avons des envies ou de multiples impulsions à consommer de l’alcool ou d’autres drogues, nous adoptons souvent des comportements créatifs, en réagissant sans être pleinement conscients de ce qui arrive et sans penser aux conséquences qui suivront. La première séance introduit l’idée de « pilote automatique », ou réagir sans en avoir conscience, et aborde la relation entre pilote automatique et la rechute. Nous commençons par utiliser la pleine conscience pour reconnaître cette tendance à être en pilote automatique. Ensuite, nous apprenons des stratégies pour sortir de cette habitude comportementale, souvent autodestructrices dans le but d’observer ce qui arrive dans nos esprits et nos corps sans réagir « automatiquement ». Cette séance du MBRP utilise l’exercice du raisin sec pour introduire la notion de pleine conscience et son contraste avec le pilote automatique. La pratique du body scan ( ou balayage corporel) est ensuite proposée comme une manière d’amener l’attention sur l’expérience des sensations corporelles dans le moment présent. » Guide clinique, MBRP, p60.

Agenda de la séance n°1 du MBRP

  • Présentations
  • Attentes du groupe et fixer des règles de base concernant la confidentialité et la protection de l’intimité de chacun
  • Structure et format du groupe
  • Exercice du raisin sec/Pilote automatique et rechute
  • Qu’est-ce-que « la pleine conscience » (ou le mindfulness) ?
  • Méditation du body scan
  • Pratique à domicile
  • Clôture

Séance n°2 du MBRP : Conscience des déclencheurs et des fortes envies.

Thème 2. MBRP : « Cette séance du MBRP se centre sur l’identification des déclencheurs et introduit la pratique consistant à les expérimenter sans réagir automatiquement. Nous commençons cette séance MBRP par apprendre à identifier les déclencheur et à observer comment ils nous conduisent souvent vers une chaine de sensations, pensées, émotions et comportements. La pleine conscience peut rendre ce processus plus perceptible. Elle peut permettre d’interrompre les comportements réactifs automatiques et permettre ainsi une flexibilité plus importante avec la possibilité de faire des choix. »  Guide clinique, MBRP, p89

Agenda de la séance n°2 du MBRP

  • Accueil
  • Body scan
  • Revue de la pratique à domicile et défis fréquents
  • Exercice « Je marche dans la rue … »
  • Exercice « Surfer sur les envies » et discussion sur les fortes envies
  • Méditation de la montagne
  • Pratique à domicile
  • Clôture

Séance n°3 du MBRP : La pleine conscience dans la vie de tous les jours.

Thème 3. MBRP : « La méditation de pleine conscience peut élargir notre conscience et, par la suite, nous aider à poser de meilleurs choix dans notre vie quotidienne. Etant donné que la respiration est une expérience de chaque moment, faire une pause et être attentif à la respiration est une manière de nous centrer sur le moment présent et de ramener l’attention au corps. Grâce à cette présence et à cette conscience, nous sommes souvent moins réactifs et pouvons prendre des décisions à partir d’une base plus solide et claire. »  Guide clinique, MBRP, p122.

Agenda de la séance n°3 du MBRP

  • Accueil
  • Conscience des sons
  • Revue des tâches à domicile
  • Méditation sur la respiration et revue
  • Vidéo
  • Espace de respiration SOBER
  • Pratique à domicile
  • Clôture

Séance n°4 du MBRP : La pleine conscience dans les situations à haut risque

Thème 4. MBRP : « Dans cette séance, nous mettons le focus sur l’expérience consistant à rester présent dans des situations qui présentent des défis et qui ont été associées auparavant à une consommation de substance ou à un autre comportement réactif. Nous apprenons comment être différemment en contact avec des pressions ou de fortes envies de consommer des substances et pratiquons une manière de répondre à ces stimuli hautement prégnants avec conscience plutôt qu’en réagissant automatiquement ou par habitude. » Guide clinique, MBRP, p 145.

Agenda de la séance n°4 du MBRP

  • Accueil
  • Conscience de la vue
  • Revue de la pratique à domicile
  • Méditation assise : Son, Respiration, Sensation, Pensée
  • Risques de rechute individuelle et risque fréquemment rencontrés
  • Espace de respiration SOBER dans une situation présentant un défi
  • Méditation de la marche
  • Pratique à domicile
  • Clôture

Séance n°5 du MBRP : Acceptation et comportements efficaces

Thème 5. MBRP : « Il est important de trouver un équilibre entre accepter les choses telles qu’elles sont et en même temps encourager des comportements sains et positifs dans notre vie. Paradoxalement, quand on lutte contre nos problèmes quotidiens, on a tendance à se sentir frustré, en colère ou abattu, ce qui peut déclencher des envies de consommer des substances et de réaliser notre comportement addictif. Accepter le présent tel qu’il est ne signifie pas que l’on devient passif. Nous permettons simplement à ce qui est déjà d’exister sans lutte ou résistance, ce qui est souvent la première étape nécessaire vers le changement. C’est valable aussi pour l’acceptation de soi ; i faut souvent s’accepter soi-même tel qu’on est avant qu’un réel changement puisse s’opérer. » Guide clinique, MBRP, p171.

Agenda de la séance n°5 du MBRP

  • Enregistrement
  • Méditation assise : Son, Respiration, Sensation, Pensée, Emotion
  • Revue de la pratique
  • Espace de respiration SOBER dans des situations présentant des défis
  • Discussion sur l’acceptation et les comportements efficaces
  • Le mouvement en pleine conscience
  • Les tâches à domicile
  • Clôture

Séance n°6 du MBRP : Voir les pensées comme des pensées

Thème 6. MBRP : « Nous avons souvent remarqué lors de notre pratique à quel point notre esprit est enclin à s’égarer et à créer des productions mentales que nous avons appelées « pensées ». Nous nous sommes entraînés à ancrer notre esprit dans le moment présent en le ramenant inlassablement vers notre respiration ou vers les sensations de notre corps. Maintenant, nous voulons nous centrer sur l’observation de nos pensées comme étant seulement des mots ou des images que produit notre esprit et que nous pouvons choisir de croire ou non. Nous discuterons du rôle des pensées et de nos croyances en ce pensées dans le cycle de la rechute. » Guide clinique, MBRP, p.194.

Agenda de la séance n°6 du MBRP

  • Rapide tour de groupe
  • Méditation assise : les Pensées
  • Revue des tâches à domicile
  • Pensées et rechute
  • Le cycle de la rechute
  • L’espace de respiration SOBER
  • Préparation de la fin du cours et Tâches à domicile
  • Clôture

Séance n°7 du MBRP : Prendre soin de soi et style de vie équilibré

Thème 7. MBRP : « Nous avons passé plusieurs semaines à porter une attention soutenue aux situations spécifiques, aux pensées et aux émotions qui nous mettent en situation à risque de rechute. Dans cette séance, nous allons observer notre vie dans une perspective plus large, et nous identifierons les facteurs qui favorisent une vie meilleure et plus saine, de même que ceux qui nous mettent en situation à haut risque de rechute. Prendre soin de soi et s’investir dans des activités gratifiantes sont une part essentielle du rétablissement. » Guide clinique, MBRP, p.213.

Agenda de la séance n°7 du MBRP

  • Accueil
  • Méditation assise : bienveillance
  • Revue de la pratique
  • Fiche d’enregistrement des activités quotidiennes
  • Où commence la rechute ?
  • Espace de respiration du plan d’urgence
  • Pratique à domicile
  • Clôture

Séance n°8 du MBRP : Soutien social et poursuite de la pratique

Thème 8. MBRP : « Le rétablissement et la pratique de la pleine conscience sont deux parcours de vie qui exigent de l’engagement et de l’implication. Ce n’est pas un parcours facile. En réalité, ces parcours peuvent parfois être ressentis comme nager à contre-courant. Jusqu’à présent nous avons appris quels sont les facteurs qui nous exposent au risque, les compétences qui nous aident à naviguer, les situations à haut risque et l’importance de maintenir un style de vie équilibré. Avoir un réseau de soutien est essentiel pour poursuivre le chemin de la pratique et du rétablissement. Compter sur un système de soutien dans le processus de traitement peut nous aider à reconnaître les signes de rechutes et nous offrir un appui lorsque nous nous sentons en situation de risque. Etre accompagné dans notre pratique de la méditation peut nous encourager à la poursuivre et à choisir d’être présent dans notre vie de manière consciente, aisée et bienveillante. » Guide clinique, MBRP, p.230.

Agenda de la séance n°8 du MBRP

  • Accueil
  • Méditation : Body scan
  • Revue de la pratique
  • L’importance des réseaux de soutien
  • Réflexions sur le programme
  • Intentions pour l’avenir
  • Méditation de conclusion
  • Cercle de clôture

Après les 8 semaines du programme MBRP, nous commençons à changer son rapport à soi et en particulier à ce qui nous intéresse pour l’addiction à notre plaisir pulsionnel. Pendant ces huit semaines de MBRP, où nous avons pratiqué tous les jours seul et en groupe la pleine conscience, nous avons appris à faire face directement à notre vécu et à lâcher prise sur le lutte et l’évitement.

F-L’efficacité du MBRP

Maintenant, interrogeons nous sur l’efficacité du MBRP. Quelles sont les preuves d’efficacité du programme de rechute basé sur la pleine conscience (MBRP) ?

L’équipe de Marlatt au Centre de recherche sur les comportements addictifs (Addictive Behaviors Research Center) à l’Université de Washington a mené une étude avec un groupe contrôle randomisée où le programme MBRP a été comparé aux groupes posts-cure standards. Ces groupes post-cure standards sont basés sur le modèle en 12 étapes des Alcooliques Anonymes ou des Narcotiques Anonymes et incluaient des séances comprenant des sujets comme le chagrin et la perte, l’affirmation de soi, l’estime de soi, fixer des objectifs, la pensée rationnelle et des compétences de prévention de la rechute. Les participants de l’étude étaient au nombre de 168, répartis d’une manière aléatoire au groupe MBRP ou groupe post-cure standard pour 8 semaines. Les observations indiquent que les participants au groupe MBRP ont suivi en moyenne 65% des séances du programme, que 86% disent avoir été engagés dans la pratique de la méditation immédiatement après le MBRP et 54% rapportent avoir continué leur entraînement au moins pendant 4 mois après le MBRP (pour une moyenne de 4.74 jours par semaine et 30 minutes par jour). Les données de l’étude sont prometteuses puisque les participants du groupe MBRP indique une baisse significative des envies au cours de la période de suivi des 4 mois, lorsqu’on les compare aux groupes de post-cure standards. De plus ils expriment une plus grande conscience et acceptation de leur expérience plaisante ou déplaisante. Au final les personnes qui ont suivi le programme MBRP ont démontré une réduction globale du nombre de jours de consommation d’alcool et d’autres drogues avec une moyenne de 0,06 jour de consommation pendant les 8 semaines du MBRP comparé à 2,57 jours de consommation chez les autres participants. Ces différences significatives ont continué pendant deux mois après le traitement (2,08 jours de consommation chez les sujets du MBRP versus 5,43 jours de sommation chez les post-cures). (Bowen, 2009). Cette étude suggère l’efficacité du programme MBRP sur les addictions.

Brewer (2009) a comparé les résultats de l’entraînement de la pleine conscience et la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC) chez les personnes qui souffrent de sommation d’alcool et/ou de cocaïne. Les participants de l’étude ont été réparti d’une manière aléatoire dans l’un des groupe (Pleine conscience/TCC). À chacun d’entre eux, on leur a demandé de d’effectuer une tâche engendrant un stress personnalisé suivi par une évaluation personnelle et des mesures psycho-physiologiques de la conductance cutanée, du rythme cardiaque et de sa variabilité. Les résultats semblent indiquer que le groupe qui s’est entraîné à la pleine conscience montre une réduction des réponses au stress tant psychologiquement que physiologiquement comparé au groupe TCC. Cette étude semble, elle aussi indiquer que la pleine conscience permet d’interrompre le cercle vicieux des comportements réactifs et impulsifs lors des fortes envies.

Le MBRP s’inscrit donc maintenant dans la panoplie des protocoles de pleine conscience validés empiriquement après le MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) et le MBCT (Mindfulness Based Cognitive Therapy), spécialisé dans la rechute des addictions.

Le MBRP n’est qu’un commencement pour initier et renforcer un nouveau style de vie basé sur la pleine conscience. Cette pratique de la méditation de pleine conscience est efficace en permettant de développer une attention à soi et des stratégies de coping (d’ajustement) à ses émotions déplaisantes et ses pulsions hédonistes. Cette pratique quotidienne nous fait vivre nos plaisirs consciemment et volontairement instant après instant. À nous maintenant d’apprendre à vivre nos plaisirs avec notre conscience ouverte sur soi et sur l’autre pour incarner un hédonisme conscient. 

One thought on “La gestion consciente du plaisir (MBRP)”
  1. Bonjour Boris,

    Encore et toujours des articles clairs et précis sur la psychologie et la psychothérapie. Je suis toujours heureux lorsque vous en publiez un nouveau, et ma pulsion hédonique me pousse à la dévorer ^^
    Celui-ci est particulièrement intéressant pour un psychologue comme moi, qui travaille dans un service d’alcoologie.

    Merci beaucoup et à très vite pour de nouveaux articles.

    Nicolas
    Psychologue TCC en Lorraine

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