PsychothérapieLa psychothérapie est un apprentissage de nouvelles compétences personnelles par un entraînement mental et comportemental.

1° La psychothérapie vise le développement des compétences de l’individu.

Nous pourrions définir la compétence comme la capacité d’une structure mentale d’agir sur une autre. Elle est « un réseau intégré et fonctionnel constitué de composantes cognitives, affectives, sociales, sensori-motrices, susceptible d’être mobilisé en actions finalisées face à une famille de situations » (Allal, L. 2002). Nos compétences sont les capacités de nos structures neuronales et mentales. Elles peuvent être catégorisées de la manière suivante :

  • La première catégorie de structures neuro-mentales est celle constituée par les réseaux de neurones modulateurs (dopamine, sérotonine, noradrénaline et acéthylcholine) de la formation réticulée activatrice ascendante (FRAA) du tronc cérébral à la base du cerveau. Nous pouvons les considérer comme les réseaux pulsionnels de notre esprit. Ils sous-tendent nos compétences motivationnelles.
  • La deuxième catégorie de structures neuro-mentales est constituée par les réseaux neuro-végétatifs qui reçoivent et émettent des informations en direction de notre intériorité corporelle (milieu interne). Nous pouvons les considérer comme les réseaux des émotions, de l’affectif. Ils fondent nos compétences émotionnelles.
  • La troisième catégorie de structures neuro-mentales est celle constituée par les réseaux neuronaux sensori-moteurs qui reçoivent et émettent des informations en direction du milieu extérieur à l’organisme. Nous pouvons les considérer comme les réseaux cognitifs de l’intelligence. Ceux-ci représentent nos compétences cognitives.

En psychothérapie, il est nécessaire de décomposer et d’affiner le réseau cognitif en ses sous-réseaux organisés hiérarchiquement et parallèlement :

  • les réseaux primaires sensoriels (visuel, auditif, somatique, olfactif, gustatif) et moteur, responsables de la réception des sensations et de l’exécution motrice ;
  • les réseaux secondaires unimodales recevant leurs informations des réseaux primaires, de la même modalité, responsables de la perception intégrée et de la programmation motrice ;
  • les deux réseaux tertiaires hétéro-modaux,
    • le réseau cognitif qui relie les réseaux secondaires sensoriels ;
    • le réseau exécutif qui combinent et intègrent les informations motrices, sensorielles, cognitives, émotionnelles et motivationnelles responsable de l’espace conscient.

Pour simplifier, nous pouvons présenter les réseaux du pôle moteur comme le système de contrôle (structures exécutives) et ceux du pôle sensoriel comme le système de représentations (structures cognitives) de l’esprit. De l’anatomie de notre cerveau, nous pouvons en déduire nos capacités naturelles (aptitudes). Les compétences sont nos réseaux neuronaux en fonctionnement. De cette manière, nous pouvons concevoir une structure globale de nos compétences.

Des structures neuro-mentales aux compétences
Des structures neuro-mentales aux compétences

Les compétences motivationnelles sont celles qui concernent nos capacités à nous auto-motiver, par exemple à stimuler notre désir de réaliser une tâche aversive ou d’inhiber un plaisir immédiat.

Les compétences émotionnelles sont les capacités à percevoir et à réguler nos états affectifs (émotions et humeurs).

Les compétences exécutives sont nos capacités attentionnelles (inhibition/activation), de planification, de résolution de problème et d’auto-observation (méga-cognition).

Les compétences cognitives sont celles qui concernent nos capacités représentationnelles comme la visualisation et l’auto-verbalisation.

Nous avons tous ces compétences en nous mais notre niveau de performance diffère par notre pratique. Il existe quatre niveaux de compétences : déficitaire, novice, confirmé, expert qu’il s’agit d’évaluer en situation réelle. Les compétences se déduisent par l’observation des comportements. Êtes-vous capable de vous détendre en général et en situation stressante ? Êtes-vous capable de ré-orienter votre attention sur votre environnement immédiat lors de vos ruminations ? Etes-vous capable d’observer vos pensées spontanées lors des situations émotionnelles ? Êtes-vous capable de ressentir et d’accepter vos émotions sans chercher à les fuir ou à les combattre ? Êtes-vous capable de remettre en cause vos pensées habituelles ? Êtes-vous capable de contrôler vos plaisirs immédiats ? Etc.

2° La psychothérapie est un apprentissage darwinien, une modification durable des structures mentales par sélection.

2.1. Qu’est-ce qu’apprendre ? L’apprentissage peut se définir comme une modification de la capacité à réaliser une tâche sous l’effet d’une interaction avec l’environnement. (Houdé, O. 2003). Cette modification durable s’observe dans nos neurones et en particulier dans leurs interconnexions synaptiques. Jean-Pierre Changeux a été le premier à développer un darwinisme neural-mental en proposant un modèle épigénétique par stabilisation sélective de l’apprentissage (Changeux, J-P. 1983).

« La théorie proposée est la suivante :

  1. Au stade critique de « connectivité maximale », les synapses embryonnaires (excitatrices et inhibitrices) peuvent exister sous au moins trois états : labiles, stables et dégénéré. Seuls les états labile et stable transmettent les influx nerveux et les transitions acceptables entre états sont labile => stable (stabilisation), labile => dégénéré (régression), stable => labile (latinisation).
  2. L’évolution de l’état de stabilité de chaque contact synaptique est gouvernée par l’ensemble des signaux reçus par la cellule sur laquelle il se termine. En d’autres termes, l’activité de la cellule post-synapstique règle en retour (de manière rétrograde) la stabilité de cette synapse.
  3. Le développement « épigénétique » des singularités neuronales est réglé par l’activité du réseau en développement. Celle-ci commande la stabilisation sélective d’une distribution particulière de contacts synaptiques. »

L’apprentissage est donc un mécanisme darwinien par le fait qu’il se base sur une variabilité de connexions neuronales et par leur sélection due à leur activité spontanée ou induite par l’environnement. Au niveau du comportement, le psychologue Thorndike dès 1932 décrit la loi de l’effet de l’apprentissage. Le comportement est renforcé par ses conséquences et sélectionné par son environnement.

Par conséquent, apprendre consiste à créer de nouvelles connexions par leur activation et à les stabiliser par la répétition de celle-ci.

2.2. Quels sont les différents apprentissages ?

Il existe plusieurs formes d’apprentissages. Les non-associatifs sont l’habituation et la sensibilisation. Ils sont des modifications de la force synaptique entre neurones. L’habituation diminue l’efficacité entre neurones alors que la sensibilisation l’augmente.

Les apprentissages sont essentiellement associatifs càd qu’ils créent de nouvelles connexions. On peut catégoriser les différents apprentissages par la fonction des réseaux de neurones qui s’associent. Nous pouvons identifier les apprentissages sensoriels (combinaisons de neurones « récepteurs »), moteurs (combinaison de neurones « effecteurs »), sensori-moteurs (combinaison de neurones « récepteurs » et « effecteurs »), cognitifs (combinaisons multi-sensorielles), exécutifs (combinaisons de commandes) et émotionnels (combinaisons de neurones sensoriels et viscéraux).  

La psychothérapie cognitive et comportementale se concentre surtout sur les apprentissages exécutifs de nouvelles stratégies mentales, sur les apprentissages émotionnels par de nouveaux conditionnements affectifs et sur les apprentissages sensori-moteurs par l’acquisition de nouveaux comportements.

2.3. Quels sont les stades de l’apprentissages en psychothérapie ? Depuis Fitts (1964) et Anderson (1982, 1995), l’apprentissage d’une habileté motrice ou cognitive est perçu comme un processus se décomposant en 3 étapes :

  1. une étape cognitive qui consiste à construire une représentation verbale de la tâche à effectuer à l’aide d’une explication d’un tiers ou d’un modèle externe. Ici, nous formons des auto-instructions mentales du comportement désiré. Par exemple en psychothérapie, pour me désensibiliser d’une situation anxiogène, je peux me dire : « d’abord tu te détends, tu respires par le ventre, je tente d’être le plus présent. Un fois que je me sens prêt, je me déplace et je m’expose à la situation. À ce moment, je fais face. J’ose. J’accepte de ressentir mon angoisse. Je n’évite pas et je ne combats pas mon émotion. Puis j’attends activement l’extinction spontanée de mon ressenti. Et après je pourrai me récompenser ! »
  2. une étape associative par laquelle les instructions verbales intériorisées sont planifiées et exécutées. Pour parler comme un psy-cognitiviste, on dirait que les représentations déclaratives se transforment en représentations procédurales. C’est le passage du savoir au savoir-faire par l’action et son contrôle.
  3. une étape autonome qui automatise la procédure mentale et/ou comportementale la rendant relativement autonome par rapport à l’attention volontaire et à la conscience. Cette étape est le résultat des deux précédentes et est l’aboutissement d’un bon apprentissage. Il n’est plus nécessaire de penser à la tâche pour la réaliser efficacement. Par exemple, initier, alimenter et finir une conversation sont des habiletés sociales qui quand elles sont maîtrisées ne nécessitent aucune conscience du savoir-faire mis en place pour ce résultat.

2.4. Comment observer et évaluer les apprentissages de psychothérapie ? Nos apprentissages (modifications durables) en psychothérapie peuvent et doivent s’observer :

1° D’une manière indirecte par l’observation des comportements en lien avec les compétences via des échelles d’évaluation. Prenons le cas d’une patiente souffrant d’une anxiété généralisée. Avant l’entraînement de la psychothérapie, il est nécessaire d’évaluer objectivement ses capacités de régulation en relation avec ses états anxieux. Nous avons choisi d’illustrer l’évaluation de la psychothérapie par un article de Carrier, M.-H. et Côté, G. (2009). Madame P1 a 24 ans et souffre d’un Trouble de l’Anxiété Généralisé (TAG) et d’une Phobie Sociale (PS). Pour mesurer le niveau d’inquiétude de cette femme, le questionnaire des inquiétudes de Penn State (PSWQ ; Meyer et al., 1990) est utile. De même, pour quantifier son niveau d’anxiété de base et situationnelle, l’Inventaire d’anxiété situtionnelle et traits d’anxiété de Spielberger (1983) est classique. Et aussi pour faire apparaître sa capacité à tolérer l’incertitude, le questionnaire d’intolérance à l’incertitude (QII ; Freeston et al., 1994) est adapté. Vous pouvez retrouver ces échelles à la fin de ce document. Maintenant que nous avons à notre disposition des outils d’observations du fonctionnement de Madame P1, nous pouvons observer l’état initial dans lequel elle se trouvait avant l’entraînement de la psychothérapie, pendant et après l’arrêt 3 mois plus tard.

Voici la courbe de son niveau d’inquiétude :

Fluctuation du niveau d'inquiétude .001

Vous remarquerez que le niveau de base de son niveau d’inquiétude est élevé entre 500 et 400 les dix premiers jours. Qu’il commence à diminuer pendant l’apprentissage de la psychothérapie du 11e au 39e jours passant à 200. Puis se stabilise à 200 entre le 40e et le 75e jours. De plus, nous pouvons découvrir que trois mois après la psychothérapie, les résultats se maintiennent et même s’améliorent ! (Sachez que nos meilleurs ennemis, les psychanalystes n’arrêtent pas depuis 60 ans sans aucune preuve, se basant sur leur géniale intuition, de véhiculer l’idée selon laquelle la psychothérapie cognitive et comportementale serait dangereuse car elle ferait diminuer les symptômes en les faisant réapparaître différemment à long terme. Le cas de Madame F contredit chaque jour leurs croyances sectaires. Au lieu de remettre en cause leur théorie, il critique la réalité qui ne correspond pas à leur désir …)

La courbe de son niveau d’anxiété générale :

Fluctuation du niveau d'anxiété générale .002

 On peut constater les mêmes observations en ce qui concerne le niveau d’anxiété de Madame F. On remarque une diminution constante de son anxiété générale même après l’accompagnement.

Sa courbe d’intolérance à l’incertitude :

Fluctuation du niveau de tolérance à l'incertitude .003

L’observation de sa capacité à tolérer l’incertitude augmente également pendant toute sa psychothérapie avec un niveau de base à 300, montant progressivement à 600 le 39e jour, se stabilisant à 600 au 69e jour puis augmentant après l’entraînement accompagné de la psychothérapie passant à 800 au 80e jour !

Les échelles d’évaluation sont donc des moyens utiles pour observer les changements durables des individus lors de la psychothérapie.

2° D’une manière directe par l’observation de la modification de l’activité des structures neuro-mentales. Depuis que la psychologie peut utiliser les techniques de neuro-imagerie, nous pouvons maintenant observer directement le fonctionnement du cerveau et ses changements structuraux. Comme nous l’avons vu plus haut, l’apprentissage est un changement durable des structures neuronales. Celui-ci peut être observé directement en comparant la neuro-anatomie fonctionnelle du cerveau avant et après la psychothérapie. La troisième vague des psychothérapies cognitives et comportementales (TCC) centrée sur l’émotion intègre la pratique de la méditation de pleine conscience. Nous pouvons définir la méditation comme un entraînement du contrôle volontaire de l’attention, de son ouverture et de son orientation. La pratique de la méditation permet entre autres d’apprendre à être moins réactif à ses pensées et ses émotions en changeant son rapport avec elles, en les acceptant sans les fuir et sans les combattre. La méditation développe les compétences exécutives et émotionnelles de l’individu en renforçant les connexions entres les structures préfrontales (système de contrôle conscient) et les structures limbiques (système émotionnel inconscient) sous corticales comme l’amygdale. Mario Beauregard et son équipe (2011) ont observé directement les effets de la méditation sur la neuro-anatomie des pratiquants. L’activité de l’amygdale (AMY) jouant un rôle primordiale dans la réactivité émotionnelle tant négative que positive est observée et comparée chez des pratiquants de méditation débutants et expérimentés en les exposant à des images positives et négatives.

Atténuation émotionnelle par la méditation Pour les stimuli tant agréables que désagréables, on constate que chez les débutants (a et d) par rapport aux expérimentés (b et e) une plus forte réactivité émotionnelle de l’amygdale. L’apprentissage est directement observé par la comparaison de l’activité de l’amygdale avant et après la psychothérapie.  Nous pouvons donc bien dire que la pratique de la méditation stabilise l’affectivité en développant les compétence d’auto-régulation émotionnelle de l’individu.  

3° La psychothérapie se base sur les méthodes d’apprentissage.

Tout apprentissage passe par l’action ! Apprendre consiste à activer nos structures mentales directement par activité interne ou induite par stimulation externe. De là, découle la méthode d’apprentissage par essai/erreur. Avant de la définir d’une manière plus opérationnelle, il s’agit de comprendre que pour apprendre il faut avant tout essayer, oser et découvrir. L’action mentale ou comportementale sera sélectionnée par ses résultats environnementaux.

Comment faire pour apprendre ? En psychothérapie, le but est de développer une ou des compétences. Il est donc nécessaire de s’interroger qu’elle est la capacité à faire progresser. Quelle compétence je souhaite entraîner ? motivationnelle ? émotionnelle ? exécutive ? cognitive ? ou comportementale ?Chaque compétence se développe par la pratique d’exercices spécifiques. Ces exercices sont des tâches à effectuer en cabinet avec le psy et aussi surtout entre les séances par soi-même. Nous pouvons dire que le principe actif de la psychothérapie cognitive et comportementale est cette succession de tâches assignées. L’efficacité de la psychothérapie provient de l’action de l’individu et non de sa parole. Il s’agit d’identifier le comportement interne ou externe à désapprendre et celui à apprendre, à essayer dans un premier temps de création puis à répéter dans un deuxième de temps de stabilisation.

Une tâche de psychothérapie doit être définie précisément dans l’espace et le temps dans lesquelles elle devra être effectuée plusieurs. Dans quelle situation, avec qui ou avec quoi et à quel moment à quel jour et à quelle heure ? Cette programmation précise permet la préparation à l’action indépendamment de notre humeur du moment. Une fois que le cadre est posé, il faut définir le but recherché et le comportement interne et externe à apprendre, à essayer et à répéter.

La psychothérapie est le développement de compétences personnelles à travers un entraînement mental et comportemental. Elle est un véritable travail sur soi, où une partie de nous-même agit sur une autre pour la transformer. La psychothérapie avant d’être une relation entre un patient et un psy, elle est avant tout une transformation de soi par soi-même. Cela nécessite des efforts répétés pendant plusieurs mois. Le psy intervient comme un entraîneur, il informe, conseille, soutien et encourage. Tout notre travail consiste à vous rendre autonome pour apprendre par vous-même. Osez de nouveaux comportements et quand ils produisent les résultats désirés, répétez-les ! 

Conclusion : Le but de la psychothérapie est le bien-être de l’individu et ses moyens sont donc le développement des compétences d’auto-régulation. 

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