Esprit (Conscient et inconscient)Notre esprit est principalement inconscient pour le meilleur et pour le pire ! 

La norme psychologique veut que nous soyons fonctionnel, en bonne santé mentale, efficace et adapté. Notre inconscient y joue un rôle prédominant. Il nous permet de ne pas perdre de temps pour savoir ce qu’on doit faire ou ne pas faire pour développer et maintenir notre bien-être. Par contre, quand notre esprit devient dysfonctionnel, notre inconscient est notre pire ennemi. J’ai beau savoir que mes pensées ne sont pas raisonnables je suis terrorisé(e) à l’idée d’avancer. J’ai beau lutter contre mes idées auto-dévalorisantes, elles sont toujours là en arrière-plan alimentant mon désespoir. Notre inconscient cognitif conditionne notre vie consciente.  Pour savoir comment restructurer notre inconscient, il est indispensable de comprendre la structure de notre esprit, le pouvoir de notre conscience, l’influence de notre inconscient ! (Les premières parties de cet article sont hautement théoriques et donc assez hermétiques aux non-psychologues. Je vous conseille de passer directement au dernier paragraphe consacré à la pratique de la restructuration cognitive).

L’ESPRIT

L’esprit est un système de contrôle de l’action individuelle basée sur le traitement de l’information. Ces traitements de l’information sont spécialisés (pôles moteur et sensoriel), hiérarchiques (de bas en haut et de haut en bas) et parallèles entre chaque niveau intra-sensoriel ou intra-moteur (primaire, secondaire et tertiaire) et entre chaque pôle (sensori-moteur) (Schéma ci-dessous). L’architecture de notre esprit est hiérarchique, parallèle et spécialisée. De cette manière, l’individu agit d’une manière adaptée à son environnement.

Conscience pyramidale

LA CONSCIENCE

La conscience est un système spécialisé de l’esprit qui a la fonction :

  • d’intégrer les informations pulsionnelles, émotionnelles et cognitives,
  • de contrôler les actions en fixant le but et le plan, et
  • d’évaluer l’écart entre le résultat anticipé (le but) et celui de l’action effective.

Elle est le système de contrôle des autres sous-systèmes. Les structures neuronales responsables de ce fonctionnement conscient sont les plus hautes de la pyramide mentale.

La conscience peut être conçue comme un espace de travail global (S. Dehaene, M. Kerszberg et J-P. Changeux, 1998). « Cette conception se base sur l’idée qu’il existe deux types de réseaux neuronaux.

 

Espace de travail globalLe premier serait un réseau de traitement composé de processeurs parallèles en compétition, distribués et fonctionnellement encapsulés comme les processeurs sensoriels, processeurs moteurs, mémoire à long terme, les systèmes d’attention, d’évaluation, de motivation et d’émotion.

Le second espace computationnel correspond à ce que les auteurs appellent un espace de travail global constitué d’un ensemble distribué de neurones corticaux richement interconnectés et caractérisés par de très long axones qui se projettent «horizontalement» et de manière réciproque à travers le cortex. Les relations postulées entre l’espace de travail global et les neurones processeurs sont réciproques et peuvent être orientées aussi bien «de haut en bas» (top down) que «de bas en haut» (bottom up). Les neurones des processeurs – comme ceux qui servent à la médiations sensorielles – envoient des projections, dans le sens ascendant, en direction des ensembles interconnectés de neurones qui composent l’espace de travail global. Inversement, à tout moment, les représentations globales de l’espace de travail «canalisent» sélectivement, dans le sens descendant uniquement, l’activité d’un sous-ensemble de neurones processeurs. Le contrôle conscient est modulé par les projections descendantes reliant des neurones de l’espace de travail à des neurones processeurs plus périphériques. Ces projections amplifient sélectivement, ou au contraire arrêtent, les entrées ascendantes des neurones processeurs, mobilisant ainsi, à un moment donné, un ensemble spécifique de processeurs dans l’espace de travail, tout en supprimant – en inhibant – les contributions des autres. » (J-P. Changeux, L’Homme de vérité, Odile Jacob, 2008, p. 138).

Que faut-il donc pour qu’une information devienne consciente ? Il faut premièrement qu’il existe une connexion structurelle réciproque entre les réseaux cognitifs inconscients et le réseau cognitif conscient puis deuxièmement une amplification attentionnelle descendante de l’espace de travail global qui d’en haut hyperactive la représentation activée venant d’en bas de l’inconscient

Quelles sont les tâches qui mobilisent notre conscience ? Les réseaux de neurones préfrontaux-cingulo-pariétaux structurant notre espace de travail global (Dehane, S., Naccache, L. et al., Nature Neuroscience, 2001) s’activent lors de :

  • La conscience perceptive phénoménale (vision, audition, somesthésie)
  • La détection consciente des erreurs
  • La sensation consciente d’effort mental
  • La conscience d’un conflit cognitif
  • La conscience d’une intention motrice
  • Le souvenir conscient
  • L’apprentissage conscient et volontaire
  • Le sentiment conscient.

Ce réseau neuronal macroscopique distribué se met en activité pour la prise de conscience de ces multiples processus cognitifs. Votre conscience est bien le maître à bord ! Elle est informée par ses systèmes collaborateurs et elle les commande ! La conscience est le système de contrôle de notre esprit.

L’INCONSCIENT

Que se passe-t-il en dehors de notre conscience ? En périphérie de la conscience, l’inconscient prime par sa rapidité et son efficacité. Mais que fait-il ? Comment est-il structuré ? Et quels sont les liens qu’il entretien avec la conscience ?

L’inconscient est ce qui est en dehors de la conscience. Il rassemble tous les systèmes psychologiques sur lesquels le système de contrôle se repose : le système motivationnel, le système émotionnel et le système cognitif. Nous pouvons établir plusieurs catégories d’inconscients en fonction du critère choisi. Il existe un inconscient affectif intégrant les informations pulsionnelles et émotionnelles, différent de l’inconscient cognitif constitué de représentations mentales plus ou moins abstraites. Mais on peut aussi catégoriser les différents inconscients en fonction de son rapport à la conscience.

Dans ce cadre, L. Naccache (2006) propose une taxinomie des inconscients : 

La première catégorie est l’inconscient de structure qui correspond à celle du système nerveux, de ses réseaux neuronaux, de ses synapses et ses composants moléculaires. Cet inconscient de structure échappe totalement à notre conscience.

La deuxième catégorie est l’inconscient représenté mais non connecté à la conscience (à l’espace de travail global). Il rassemble des représentations mentales inconscientes non connectées au cortex préfrontal.

La troisième catégorie est l’inconscient représenté, connecté à l’espace de travail global mais non amplifiable. C’est l’inconscient des représentations automatiques qui peuvent influencer la conscience sans que pour autant en retour celle-ci peut en prendre conscience. Les protocoles de perceptions subliminales activent cet inconscient. Les représentations subliminales sont des images mentales qui sont actives transitoirement en deçà du seuil de la conscience et qui ne peut pas être perçues consciemment. Des expériences ont montré par exemple qu’un visage exprimant la peur déclenchait sans que vous le sachiez les structures amygdaliennes responsables de la peur (Whalen, P. J.,1998). Les sujets ressentent cette émotion sans comprendre la cause. Au quotidien, nous ressentons souvent ce genre d’expérience. Nous ressentons un agacement, une angoisse, un malaise sans identifier sa cause mentale ou environnementale.

La dernière et quatrième catégorie est celle de l’inconscient représenté, connecté à la conscience, amplifiable par elle, mais non amplifié. Cette dernière catégorie de processus cognitifs inconscients contient les représentations mentales qui auraient pu être l’objet d’une amplification attentionnelle descendante conduisant à une prise de conscience, mais qui ne l’ont pas été. Ces représentations inconscientes peuvent devenir conscientes si la personne désire y prêter attention sans quoi elles restent dans l’obscurité. Elles sont automatiques et flirtent avec la conscience. Celle-ci peut les embrasser ou les rejeter à sa guise. Qu’elles deviennent conscientes ou pas après une amplification attentionnelle descendante de l’espace de travail global, ces représentations agissent sur notre affectivité.

Les inconscients

Les émotions sont toujours précédées par un traitement cognitif qu’il soit conscient ou inconscient. L’environnement ne cause pas directement une émotion. Celle-ci est toujours le résultat d’une interprétation cognitive automatique ou contrôlée. De cette manière, nous pouvons réguler notre affectivité par l’intermédiaire de la restructuration cognitive.

LA RESTRUCTURATION COGNITIVE

La thérapie cognitive et comportementale (TCC) et particulièrement la restructuration cognitive ciblent notre système cognitif. Il est constitué de représentations reliées hiérarchiquement et parallèlement. Le système de représentations est basé sur les représentations sensorielles élémentaires qui en se combinant forment des représentations conceptuelles éliminant les détails perceptifs et réunissant les traits communs. Ces représentations conceptuelles sont elles-mêmes représentées par les représentations verbales.

Système de représentationsPar exemple, Jeanne vit une rupture amoureuse inattendue de la part de Fabien. De cette situation singulière perçue par Jeanne, elle généralisera cette association entre Fabien et la douleur affective à l’ensemble des hommes et des relations amoureuses en pensant et en déclarant « Tous les hommes sont des connards ! ». Le restructuration cognitive consiste à modifier cette structure mentale inadaptées en modifiant cette pensée automatique. Les schémas cognitifs sont un ensemble de représentations inconscientes sensorielles, motrices, conceptuelles et verbales qui forment une structure cognitive stable. Les schémas cognitifs sont latents, de bas niveau dans la hiérarchie du système cognitif. Ils deviennent en partie conscients quand des représentations propositionnelles (verbales) ou des représentations sensorielles (images, sons, etc.) s’activent suffisamment longtemps et intensément pour être détectées par la conscience. La partie visible des schémas cognitifs inconscients sont ce qu’on appelle les pensées automatiques. Les schémas cognitifs et les pensées automatiques interagissent. Les schémas cognitifs produisent les pensées automatiques de même en retour les pensées automatiques les renforcent ou les modifient.

Les schémas cognitifs pathologiques sont inadaptés à l’environnement : ils sont faux. De même, ils sont dé-régulateurs : ils sont nuisibles. Les schémas cognitifs deviennent pathologiques quand ils ne permettent plus à la personne de satisfaire ses désirs et de s’adapter à l’extérieur. On peut catégoriser les schémas cognitifs différemment. Par exemple on peut les identifier en fonction des émotions négatives associées : les schémas cognitifs de tristesse (représentation de la perte), de l’anxiété (représentation d’un danger) ou de la colère (représentation d’une transgression).

Nous avons accès à nos schémas cognitifs par nos pensées automatiques. Elles sont spontanées, rapides, involontaires et répétées. Les pensées automatiques peuvent être en soi dysfonctionnelles mais très souvent le problème provient du rapport que vous avez vous-même avec vos pensées. Ici, ce qui est inadapté c’est la méta-représentation de votre pensée. Conscience-InconscientL’interaction de votre système de contrôle – la conscience – et de votre système de représentation peut être pathogène. Une pensée automatique émerge et vous l’évaluez négativement, vous tentez de la rejeter ou de vous en distraire. Cette représentation négative de votre vécu (pensée ou émotion) génère des dysfonctionnements comme la rumination anxieuse ou dépressive. Par exemple, un jour, vous rentrez chez vous et vous avez juste envie de mettre les pieds sous la table pour vous détendre de votre journée. À ce moment précis, vous n’acceptez pas cette idée de vous détendre en l’interprétant comme mauvaise en vous disant « si je veux me détendre ça veut dire que je suis fatigué et si je suis fatigué à cette heure-ci ce n’est pas normal, ça veut dire que je suis dépressif ! ». Cette méta-représentation négative doit être traitée en travaillant sur l’acceptation de son intériorité avec des exercices spécifiques comme la pratique de la pleine conscience. Une fois que notre méta-représentation devient positive, nous pouvons développer la conscience de nos pensées dysfonctionnelles. La restructuration cognitive commence par l’apprentissage à orienter son attention vers ses représentations et à les identifier. L’inconscient cognitif et ses représentations structurées en schéma peuvent être restructurés par le processus d’amplification attentionnelle descendant. En explorant attentionnellement nos pensées automatiques, nous en prenons conscience et nous pouvons commencer à les contrôler. Nous les contrôlons en interrogeant leur vérité, leur utilité puis en construisant de nouvelles représentations plus adaptées, plus vraies et plus utiles. Ces nouvelles représentations sont des pensées contrôlées qui doivent être répétées mentalement et expérimentalement par la mise en situation réelle pour être renforcées. De cette manière, le renforcement des pensées contrôlées modifie structurellement les schémas cognitifs inconscients et la restructuration cognitive se finit.

Les préceptes de la restructuration cognitive pourraient être les suivants :

Que la conscience :

  • Accepte ses représentations (cognitives et émotionnelles) sans les combattre et les fuir ;
  • Prête attention à ses représentations automatiques conscientes et inconscientes afin d’identifier leur caractère dysfonctionnel («faux et nuisibles») ;
  • Construise de nouvelles représentations contrôlées («vraies et utiles») et les renforce par la répétition mentale et la vérification expérimentale.

De cette manière, nous pouvons donc re-structurer notre inconscient ! 

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