Les poupées sont généralement destinées à l’amusement des enfants. Mais les jouets sont aussi le reflet de normes sociales. Rien d’étonnant à ce qu’une campagne pour la commercialisation d’une Barbie sans cheveux, à destination des jeunes cancéreux, ait vu le jour.

Pourquoi des parents demandent à Mattel une Barbie chauve pour leurs enfants cancéreux qui suivent une chimiothérapie et perdent leurs cheveux ? Parce ce qu’il y a un vrai besoin. Cette poupée incarne en effet une norme psychosociale, en fonction de laquelle se crée l’estime de soi.

L’influence de la Barbie dépend de l’enfant, qui n’est pas passif et a son propre caractère, mais aussi des groupes auxquels il appartient (sa famille, son école, ses camarades). Si son entourage valorise la beauté et le luxe, deux normes qu’incarnent la Barbie, l’enfant, souhaitant être aimé, va se comparer à ces normes. Et lorsqu’un écart se crée entre la norme du groupe et la vision de soi qu’a l’enfant, il peut expérimenter un sentiment de rejet, un désamour, voire une stigmatisation.

Pour aider à accepter la différence d’avec la norme majoritaire, il n’est pas inintéressant d’envisager des Barbie reflétant des normes minoritaires, comme une Barbie chauve qui symbolise le cancer. Mais il n’y a pas que la chimiothérapie, alors pourquoi pas une Barbie obèse, une naine, une avec un sein en moins, etc. ?

Toutefois, si cette Barbie au crâne chauve peut être utile pour un enfant cancéreux, en ce qu’elle normalise son état et évite sa stigmatisation, une telle poupée ne sera profitable qu’aux enfants dont l’entourage valorise l’apparence physique. On voit bien que les visuels de la campagne pour la commercialisation de cette Barbie sans cheveux font passer l’estime de soi par l’apparence physique. Il n’y a qu’à lire les slogans « BARBIE: Bald And Really Beautiful Is Extraordinary » (Être chauve et très belle est extraordinaire) et « Beautiful Bald Barbie in 2012! » (Une belle Barbie chauve en 2012) pour s’en convaincre.

Le magasin de vêtements « My London Girl » propose aux petites filles de s’habiller comme leurs poupées, Londres, août 2011 (SIPA)

En outre, l’enfant peut percevoir cette Barbie comme une tentative de le réduire à sa maladie. Il peut très bien avoir le crâne lisse, mais vouloir une poupée pleine de force, de vitalité et avec des cheveux. La Barbie chauve pourrait symboliser la résignation face à la maladie, alors que l’enfant veut la combattre. Et ce d’autant que la poupée resterait chauve, comme s’il était impossible de guérir du cancer. On pourrait peut-être envisager une Barbie crescendo, avec des cheveux qui repoussent, pour montrer que la voie de la guérison reste du domaine du possible.

Plutôt qu’une Barbie chauve, face à un enfant qui a un cancer, les parents et instituteurs devraient mettre en avant des jouets qui permettent une estime de soi plus stable, qui dépende des compétences de l’enfant, de ses habiletés, de lui-même, et ne le réduise pas à la maladie. Ce n’est pas parce qu’un gamin a un cancer qu’il ne peut plus avoir envie de construire de Lego ou de jouer à des jeux de société !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.